Qu’est-ce qui caractérise un “bon” bioprocédé ?

La mise au point d’un bioprocédé optimisé nécessite une approche holistique adaptée aux besoins spécifiques du produit.

Par Serena Fries Smith.

Les médicaments biologiques ou biomédicaments changent la vie d’un nombre croissant de patients dans le monde entier, mais la complexité accrue des molécules rend difficile la mise au point d’un protocole de fabrication approprié. J’ai travaillé pendant plus de 15 ans dans le secteur, à la production de vaccins antiviraux et de protéines thérapeutiques, en particulier en ce qui concerne l’élaboration du protocole en amont, la mise à l’échelle et la fabrication cGMP. J’ai élaboré des protocoles pour plus d’une dizaine de molécules différentes et je me demande souvent ce qui fait qu’un protocole est “bon” ou “mauvais”, et quels sont les écueils à éviter.

Pour moi, un protocole optimisé produit un matériau fortement purifié en un nombre minimal de lots pour satisfaire à vos délais cliniques et préparer au lancement commercial, tout en gérant le coût, la qualité et l’approvisionnement. En outre, un protocole optimisé doit rationaliser les opérations, améliorer la robustesse et l’uniformité et limiter les risques d’échecs. Vous devrez également envisager des contrôles d’ingénierie afin de prévenir les événements de contamination ou l’introduction d’agents fortuits. Tout cela devrait assurer la réussite de la fabrication à long terme.

“Je sais que tout cela est plus facile à dire qu’à faire ! Étant donné le nombre d’aspects critiques sur l’ensemble du protocole des bioprocédés, il peut être difficile de savoir où concentrer vos efforts. Je pense que la réussite implique généralement d’adopter une approche mesurée, en s’efforçant d’équilibrer les compromis associés à la transition rapide vers une utilisation clinique et à l’optimisation de protocoles adaptés aux besoins spécifiques de votre molécule.”

Il y a plusieurs aspects différents sur lesquels vous pouvez vous concentrer pour optimiser la performance de votre protocole en amont, mais l’équilibre est clé; l’important n’est pas toujours d’obtenir la titration la plus élevée. L’élaboration d’un protocole capable d’obtenir une titration de 5 g/L de manière reproductible peut ainsi s’avérer plus pertinent que d’identifier les conditions parfaites requises pour atteindre 7 g/L. Si le protocole doit nécessairement être réalisé dans des conditions absolument parfaites, le moindre écart est susceptible d’entraîner des titrations bien plus faibles que les 5 g/L initiaux, et d’aboutir à un échec.

De manière générale, je pense qu’il convient de vous poser trois questions tout au long du protocole d’optimisation :

  1. Puis-je simplifier le protocole ? Un protocole facile à exécuter à petite échelle au sein du laboratoire peut entraîner des risques et une variabilité inutiles dans un environnement de BPF à grande échelle. Vous pourriez réduire votre risque d’échec en remplaçant une stratégie d’alimentation complexe par une approche simplifiée. Vous pourriez réduire votre risque de contamination en remplaçant les manipulations libres par des systèmes contrôlés. Enfin, vous pourriez réduire votre variabilité en rationalisant l’expansion cellulaire ou la préparation des milieux de culture.
  2. Comment puis-je m’assurer d’obtenir des performances homogènes ? Plus vous vous approcherez d’un protocole de production commerciale, plus vous devrez fabriquer de lots, et plus l’uniformité et la robustesse deviendront des facteurs essentiels, en particulier si vous projetez de fabriquer plusieurs lots par mois, ou peut-être plusieurs dizaines par an.
  3. Comment l’amont affecte-t-il l’aval ? Vous devez tenir compte des conséquences des premières étapes sur les étapes suivantes du protocole , en vous assurant que le matériau fabriqué peut être purifié de manière constante en aval.

Une approche holistique

Les ingénieurs de protocole doivent équilibrer la rapidité sans compromettre la qualité, connecter de manière fluide les bioprocédés en amont et en aval et concevoir un système qui soit robuste et évolutif avec des matériaux en lesquels ils peuvent avoir confiance. S’agissant de la mise au point de bioprocédés, tout est question de compromis. Par exemple, pour une transition rapide vers une utilisation clinique, une approche de type “force brute” peut souvent s’avérer la plus appropriée pour le protocole clinique initial. Lorsque je travaillais sur des vaccins, le travail avec des cultures cellulaires adhérentes représentait un défi majeur, la mise à l’échelle étant nettement plus difficile qu’avec des cellules en suspension. Au début du programme, il est judicieux de se demander s’il convient de mettre au point un protocole en 2D (“cell factory” ou système de culture cellulaire de masse) ou en 3D (microsupport). Un protocole en 2D peut être plus simple et plus rapide à élaborer, mais il nécessite un plus grand nombre de manipulations manuelles qu’un protocole en 3D.

Là encore, il s’agit d’un compromis entre faire avancer le programme et se retrouver confronté à des difficultés lors de la production matérielle pour un essai de phase I. Si l’on souhaite mettre l’accent sur la transition rapide vers une utilisation clinique, il est possible d’effectuer l’optimisation de protocole (la transition vers un protocole en 3D, par exemple) lors des études cliniques afin de se préparer à la production à un stade avancé ou commerciale.

Qu’il s’agisse de protéines recombinantes ou de vaccins antiviraux, et même si la rapidité est l’objectif principal, la qualité du produit reste d’une importance cruciale. Il ne suffit pas de déterminer si les attributs en termes de qualité répondent aux exigences pour les études cliniques, mais également de s’assurer qu’ils sont reproductibles dans le protocole commercial. Selon moi, le protocole et l’uniformité du produit sont des questions auxquelles il convient de réfléchir de manière très précoce. En ce qui concerne la qualité, il y a deux facteurs que vous devez garder à l’esprit : la qualité des matières premières et la qualité du produit.

Des éléments de plus en plus nombreux tendent à démontrer que la qualité des matières premières, la présence ou l’absence d’impuretés, affecte non seulement la performance du protocole, mais également dans une large mesure la qualité de la substance médicamenteuse. Il est dès lors impératif de comprendre la qualité des matières premières qui sont utilisées lors de l’élaboration du protocole et de les comparer à celles qui seront disponibles pour une utilisation en production clinique ou commerciale.

Gérer la qualité et l’approvisionnement

La nécessité de disposer de matières premières de qualité est liée à un autre élément important : la garantie de l’approvisionnement. Personne, qu’il s’agisse des entreprises biopharmaceutiques ou des fournisseurs, ne souhaite se retrouver confronté à des ruptures de stock. Lors de l’élaboration du protocole biologique, il convient de se poser la question de la fiabilité de la chaîne d’approvisionnement en matières premières. La continuité de l’approvisionnement est essentielle ; les entreprises doivent mettre en place des stratégies pour pallier les perturbations en termes d’approvisionnement. De nombreuses approches permettent d’y parvenir, qu’il s’agisse de gérer étroitement plusieurs fournisseurs ou de s’associer avec un fournisseur de confiance capable de consolider votre approvisionnement en matériaux directs. Pour chacune de ces approches, la transparence en ce qui concerne les exigences d’approvisionnement en matières premières et la nécessité de stocks de sécurité, la qualification répétitive du site ou d’autres moyens permettant d’éviter l’interruption de l’approvisionnement sont essentiels.

La gestion des approvisionnements en matières premières peut s’avérer une tâche intimidante, et la collaboration peut être la clé du succès. Plutôt que de se concentrer exclusivement sur les aspects fonctionnels du protocole en amont ou en aval, une approche holistique favorise la réussite. La FDA (Food and Drug Administration, autorité de validation des aliments et des médicaments aux États-Unis) attend des efforts accrus de la part des entreprises du médicament en ce qui concerne la transparence de la chaîne d’approvisionnement, une autre excellente raison de collaborer avec les fournisseurs de manière à ce que toutes les parties impliquées comprennent d’où les matières premières proviennent, comment elles sont utilisées et comment l’ensemble du processus est géré.

On n’insistera jamais assez sur l’importance d’une bonne relation avec les fournisseurs, car elle affecte absolument tout, de la performance à la qualité du produit en passant par la garantie d’approvisionnement. Vous devez avoir confiance en la capacité de vos fournisseurs à répondre exactement à vos attentes, afin de pouvoir identifier efficacement toute déviation qui surviendrait au niveau du protocole. Il est souvent difficile de déterminer la cause d’origine d’un problème, mais une relation étroite et de confiance avec votre fournisseur peut vous permettre d’évaluer les matières premières comme cause potentielle.

Une conception adaptée aux bioprocédés

De manière générale, il n’existe pas de solution universelle pour les bioprocédés. En plus des exigences en matière de qualité et de chaîne d’approvisionnement, vous devez comprendre la performance de votre protocole en termes de titration, de pureté, d’activité biologique et d’autres attributs importants. Cela vous offre de meilleures possibilités d’équilibre entre les coûts de développement et la probabilité de réussite de la molécule. Et si votre produit est un biosimilaire, il est important de s’assurer que les attributs de qualité du produit correspondent à l’innovateur. Cela peut nécessiter des sacrifices en termes de titration (en amont) ou de perte de rendement (en aval) pour s’assurer de la qualité du produit purifié, mais rappelez-vous que le marché est concurrentiel, ce qui implique une attention accrue de la rapidité et des coûts.

Équilibrer l’optimisation du protocole et les contraintes liées aux délais constitue souvent le plus gros défi à relever pour un ingénieur en élaboration de protocole. Les scientifiques en amont travailleront à obtenir les titrations les plus élevées possible. Les scientifiques en aval travailleront à obtenir le produit le plus purifié. Et le responsable du programme voudra que le matériel soit arrivé à la clinique hier ! Mon conseil : assurez-vous de comprendre ce qui est absolument essentiel pour le programme, donnez la priorité à ces activités et tirez profit des informations et de l’implication technique de partenaires de confiance pour concevoir la solution de bioprocédés appropriée pour votre molécule.

Serena Smith occupe la fonction de Director of Strategic Customer Engagements chez Thermo Fisher Scientific et est leader dans le domaine des bioprocédés avec plus de 17 années d’expérience dans le secteur.

Ce qui caractérise un “bon” bioprocédé 

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